LA SOUPLESSE :

 Approche en profondeur.

par B. BORDAS-SHIHAN ( 1993 )

 

 

 

Plus que jamais, l’expérience me prouve que la souplesse est plus un fait psychologique que physiologique (plus mental que physique). En effet, le “stress”, l’attachement, l’inquiétude, la peur, les angoisses, génèrent en nous des tensions

Et que sont les “tensions”, si ce n’est qu’une accumulation de contrac­tions musculaires.

Nous nous contractons parce que nous avons peur, par réflexe de défense. Le muscle soumis à un étirement brutal et soudain, se contracte pour se protéger (réflexe myotatique).

D’ailleurs, ce que l’on appelle généralement une déchirure musculaire, suite à un mouvement brusque d’élongation, n’est très souvent qu’une contracture. Lorsque nous sommes surpris, nous sommes dépassés. Nous n’avons pas le temps de contrôler notre muscle étiré. Celui-ci se contracte alors par réflexe de défense. Il se concentre, se rassemble, comme l’on se met en boule pour se protéger d’une tempête de sable ou d’une rafale de vent soudaine.

Comme nous ne pouvons étirer un muscle qui se défend, nous devons d’abord apprendre à nous décontracter.

Koichi TOHEI Sensei, 10éme Dan d’AIKIDO, élève de UESHIBA Sensei (le fondateur), m’a dit un jour: “L’attitude naturelle du corps est la décontraction, regardez les félins. Pour cela il faut que nous (l’esprit) soyons détachés. Si l’esprit se crispe, le corps se crispe. Le corps n’est que le reflet de l’esprit.”

D’abord nous pensons (de telle manière) et ensuite nous sommes (de la même manière).

Plus tard, TOHEI Sensei rajouta “Pour que les énergies (le Ki) circulent librement dans le corps, il faut que celui-ci soit complète­ment détendu (relaxé).

Le poids de notre corps, comme le poids de tout corps terrestre, doit être en bas, (est attiré par l’attraction terrestre, la pesanteur).

Pour cela, il faut relâcher toutes ses tensions propres (psychologi­ques et physiques) et retrouver notre place dans la grande logique cosmique”.

Je reçois très régulièrement des courriers d’HATSUMI SOKE. Les lettres de SOKE sont toujours un encouragement sur la voie du véritable BUDO. Ses conseils sont précieux pour ne pas dévier dans la pratique du NINPO, tant d’autres l’ont fait malheureusement.

La dernière grande lettre de SOKE que j’ai reçu cette semaine comporte un passage très révélateur sur la souplesse.

SOKE explique les points importants de la pratique de l’ art martial en ces termes : “Pour pratiquer le BUDO, il est important d’être fort car lorsque l’on est fort, on devient souple et lorsque l’on est souple on peut trouver la paix.”

Et c’est là le but, le secret du véritable BUDO. Regardons en détail chaque étape.

1) La Motivation.

“Pour pratiquer le BUDO”, c’est-à-dire pour être en sécurité où que l’on soit, pour être en paix, pour “être protégé par les yeux de Dieu” (Sic TAKAMATSU SOKE)…

2)      La voie obligatoire.

…“Il est important d’être fort”. Le bébé est né naturellement fort, il est en harmonie avec le cosmos, la Nature. Comme cette dernière, il donne sans compter (son amour, ses sourires), sans rien attendre ni demander quoi que ce soit en échange, comme la fleur donne son parfum, la montagne sa beauté. En grandissant, l’enfant accumule des peurs, des angoisses, crées par son éducation familiale, morale et religieuse (“Ne fais pas ceci, ne dis pas cela. Attention! ne cours pas si vite tu vas te faire mal, ne montes pas la dessus, tu vas tomber. Si tu fais ceci, tu seras malade, si tu fais cela, tu iras en enfer... “Que d’anticipations négatives!)

3)      La condition.

(Fin de la première étape qui se fond dans la deuxième). “Car lorsque l’on est fort”: Lorsque l’on s’est débarrassé de nos blocages acquis, de nos peurs accumulées, lorsque l’on a retrouvé notre coeur d’enfant qui s’émerveille devant le spectacle de la Nature...

4)      Deuxième cheminement.

….“On devient souple” – MIZU NO KOKORO - On devient pur, simple, fluide et léger. Le cerveau a très souvent tendance à tout compliquer, on devient alors lâche et peureux. Les gens compliqués ne sont jamais courageux. Le mental travaille trop et colore affectivement toute perception sensorielle, généralement en négatif: “si je fais ceci..., il va m’arriver cela...” le pire très souvent.

Pour retrouver sa souplesse articulaire naturelle ou amplitude gestuelle normale, AGN en physiologie, il faut redevenir Naturel et “Normal” (aux normes “humaines”, cosmiquement parlant).

5) Deuxième Condition.

(Fin de la deuxième étape menant au but.) “Et lorsqu’on est souple….” Lorsqu’on a enlevé de notre esprit tout ce qui était en trop et qui nous empêchait d’appréhender la vie comme un cadeau divin... Souvenons-nous de la remarque d’A. DESJARD1NS “Il n’y a rien à gagner qui ne Soit déjà là. Vous êtes la nature de BOUDDHA. il n’y a pas à gagner quoi que ce soit qui nous manque, il y a à enlever ce qui est en trop. Donc, la voie c’est un dépouillement, une épuration, une élimination de fonctionnements parasites: c ‘est la purification du cœur.”

6)      Le But

(Fin d’une étape et début d’une autre étape, “sur-humaine”.)

“On peut trouver la paix” : On peut réaliser le but de notre pratique du BUDO véritable; on peut être en harmonie avec Tout et Tous.

 

 

Vous avez compris pourquoi HATSUMI SOKE m’avait confié au dojo de SOMEA Sensei à NODA: “TAKAMATSU Sensei m’avait souvent dit que le plus important en NINJUTSU c’est le courage.” Le courage c’est vivre avec son cœur.

C’est ne pas compliquer la vie avec son esprit (son mental menteur). Etre courageux c’est avant tout mettre son cœur en avant, s’offrir et savoir accepter des autres.

La vie est si simple et si belle lorsque l’on comprend que les difficultés que l’on rencontre ne sont que des épreuves envoyées par DIEU pour nous parfaire.

On en sort toujours plus grand, plus fort, plus dépouillé donc plus près de LUI.

“Suivre la voie c’est s’ouvrir vers les autres”.

“S’ouvrir vers les autres c’est s’oublier soi-même.”

“S’oublier soi-même c’est être en harmonie avec le cosmos tout entier.” (DOGEN).

Tel est l’enseignement des grands Maîtres.

A vous seuls appartient la décision de le suivre ou non. Votre destin est entre vos mains. Chaque décision, chaque action, constitue, bâtit votre vie.

La voie du véritable BUDO doit être la voie de la sagesse, sinon ce n’ est pas la voie du véritable BUDO mais celle de la folie.

 

LA SOUPLESSE 

S’ADAPTER C’EST SURVIVRE

( Par Gérard Cazals )

« La vie, c’est le changement ».

 

Tout le monde semble s’accorder autour de cette évidence. Le changement affecte en permanence toutes les formes de la vie, tous les phénomènes (atmosphé­riques, géologiques, sociaux...).

Cependant, le modèle du changement se succède à lui-même, divisé en phases de contraction suivies de phases d’expan­sion, ordonné en une spirale logaryth­mique.

Nous traversons à l’époque actuelle une phase de contraction, une spirale centri­pète, yang. Au fur et à mesure que notre civilisation se précipite irrémédiable­ment vers le coeur palpitant de cette gigantesque spirale cosmique, le mouve­ment s’accélère, tel un puissant siphon. Mais revenons sur terre. Sous l’action de l’environnement, les corps physiques se transforment plus ou moins vite selon leur structure, leur densité. La roche évolue plus lentement que les arbres, eux-mêmes évoluant plus lentement que les plantes vertes. D’une façon générale, plus un corps est solide, compact (yang), plus lente sera son évolution. Plus il est malléable, fragile (yin), plus rapide sera son évolution.

Pour l’homme, l’adaptation per­manente aux changements de son milieu est une nécessité vitale. Ainsi, par grand froid, sa peau se resserre sous l’effet mécanique d’une vaso-constriction des capillaires périphériques, le tonus mus­culaire augmente. Le système nerveux autonome, ici en action, régularise les fonctions de l’organisme ainsi que l’activité des organes et des viscères par ses deux branches antagonistes et com­plémentaires le système orthosympa­thique (yin) et le système parasympa­thique (yang).

 

La rigidité: source de bien des malheurs

 

            Etre en bonne santé, c’est s’adapter facilement aux changements de l’envi­ronnement. L’organisme s’accommode automatiquement grâce aux mécanis­mes internes de régulation et à l’action, en particulier, d’organes tels que le foie, les reins, les poumons ou les intestins. Cette adaptation s’accompagne parfois de petits désagréments, de petits maux sans gravité, généralement de courte durée : rhumes, poussées de fièvre, diar­rhées, courbatures, éruptions cutanées. Il s’agit en quelque sorte d’un ajuste­ment naturel, fréquent aux change­ments de saison, une élimination des excès (alimentaires) non évacués par les voies normales, traduisant au moins la vitalité et la souplesse de l’organisme qui réagit.

Vous connaissez sans doute des personnes qui ne souffrent jamais de ces petites éliminations passagères. Deux hypothèses sont possibles

- Elles sont en très bonne santé et leur mécanique interne est bien «huilée».

- Elles accumulent et se préparent à de plus graves ennuis à l’avenir.

Seule la souplesse permet ce processus d’équilibration permanent.

 

A quoi reconnaît-on la souplesse d’adaptation?

 

        N’attendez pas que je vous donne un test type de souplesse car elle est très sélective et très variée dans ses manifes­tations. En effet, vous pourrez tou­jours, au moyen d’exercices réguliers, devenir très souple dans certaines par­ties du corps, mais rester très rigide par ailleurs. Ainsi, certains sports font tra­vailler de façon privilégiée un groupe de muscles ou d’articulations.

A mon avis, la vraie souplesse se remarque plutôt à une attitude corpo­relle générale centre de gravité bas dans le corps, épaules tombantes et relaxées, mobilité des hanches et du cou, mouvements fluides et silencieux. Sur les plans mental et social, la per­sonne souple sait écouter, parler à son tour, peut penser, s’exprimer à des niveaux et sur des modes différents; elle se sent à l’aise avec des personnes ou dans des situations très diverses.

Dans la vie quotidienne, la per­sonne souple connaît peu de conflits, d’accidents. Quand ils se produisent, elle sait modifier, réajuster sa conduite, pour éviter ainsi qu’ils ne se répètent.

 

Les causes de la rigidité

 

                        Pourquoi, alors que nous avançons dans l’âge adulte, perdons-nous la sou­plesse naturelle de notre enfance ? Par quel mécanisme nos tissus, nos muscles, nos articulations, nos vaisseaux, notre cerveau, perdent-ils peu à peu leur élas­ticité, leur mobilité, et pourquoi se sclérosent-ils ?

Tout dépend, du moins en gran­de partie, du carburant que nous don­nons à cette machine complexe qu’est l’être humain.

 Par notre alimentation quotidienne, en nourrissant notre sang, donc les cellules de nos tissus, nous créons souplesse ou rigidité.

 

                        Pour rester souples, évitons tout parti­culièrement les aliments riches en grais­ses saturées, qu’ils soient d’origine ani­male (viandes, oeufs, volailles, charcute­ries, laitages) ou végétale, ainsi que les préparations trop compactes, trop dures, comme par exemple les biscuits (farine + huile + sel, cuisson au four). Le sel (yang), au fort pouvoir contrac­tant, peut, pris en excès, durcir, encail­loter les graisses stockées dans l’orga­nisme.

Il existe d’autres aliments qui peuvent être source de rigidité, due à une expansion, un gonflement des tissus et des articulations. Ce sont les aliments de la catégorie yin tels que sucreries, fruits (surtout exotiques), l’alcool, le café, les sodas, ou même tout simple­ment l’excès de liquides ! Avez-vous déjà essayé de plier en deux une belle carotte gorgée d’eau ? Elle casse aussi­tôt. De même, en buvant beaucoup, particulièrement avant de nous coucher, nous éprouverons le lendemain matin une sensation de raideur dans nos arti­culations gonflées. L’excès de nourri­ture produit le même effet.

    La première place dans la catégorie des aliments yin revient sans conteste aux crèmes glacées, leur combinaison des trois facteurs sucre, matières grasses et froid, produit un effet réellement dévas­tateur Cependant, la rigidité causée en grande partie par des aliments yin sem­ble plus facile à dissoudre que celle cau­sée par l’accumulation d’éléments yang (rappelons que yin est plus malléable).

Yin et yang, les deux frères insé­parables, agissent toujours conjointe­ment, opposés mais complémentaires. Prenons deux exemples dans l’alimentation  

YIN + YANG

Graisse + sel   = sclérose, kystes

YIN + YANG

liquide + sel = rétention d’eau

 

L’éducation de la souplesse

 

                        Est-il possible d’éduquer notre système nerveux autonome ? Oui, c’est possible.

            Le froid, la nour­riture frugale, l’activité intense, un som­meil court, les difficultés, autant de facteurs qui renforcent notre système parasympathique, nous rendent fort et souples.

 

En examinant les pratiques tradi­tionnelles pour le développement personnel/spirituel, en Occident comme en Orient, nous serons étonnés de retrouver ces mêmes principes, aussi bien dans les monastères que les dojos, à savoir : renoncement au confort maté­riel (v½u de pauvreté), ascèse alimen­taire, entraînement et travail physique intensif, exposition aux rigueurs du cli­mat... Bref, pas exactement la recherche de confort et de sécurité, base de notre société d’abondance

L’Homme moderne contrôle parfaitement, et comme bon lui semble, son environnement immédiat. Grâce au chauffage central, il peut maintenir en plein hiver une température constante de 25° dans son appartement.

 L’été, l’air conditionné lui permet de rester au frais malgré la canicule écrasante.

Evidemment, ce petit jeu n’est pas sans risques L’organisme possède en effet des mécanismes naturels de thermorégulation lui permettant d’adapter le milieu interne aux change­ments de température. Ces fonctions, si elles ne sont pas mises à contribution, vont peu à peu s’affaiblir, voire dispa­raître, réduisant ainsi notre résistance et notre vitalité.

N’abusons pas des facilités offertes par le progrès, menons une vie simple et active, au contact de la Nature, au rythme des saisons, ne nous mettons pas systématiquement à l’abri des difficultés. Nous renforcerons alors notre capacité d’adaptation. Pour déve­lopper notre souplesse d’esprit, chan­geons de cadre, voyageons, recherchons sans cesse des situations nouvelles et stimulantes    

Alors que l’Homme primitif devait absolument s’adapter à son milieu pour survivre, l’Homme «civi­lisé» s’est créé un environnement artifi­ciel pour justement lui éviter de s’adap­ter Mais toute face à un dos, la pres­sion des événements nous oblige vite à changer (perte de travail, maladie, acci­dents...).  

Plus grande la face, plus grand le dos Plus notre situation est confortable, et plus nous capitalisons les difficultés pour l’avenir Alors, en définitive, la Nature ne fait-elle pas bien les choses ?